10 Juil, 2024

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La nomination d’Anthony Housefather par Justin Trudeau à titre de conseiller spécial

KHALED MOUAMMAR

Je suis un réfugié arabe palestino-chrétien qui a immigré au Canada en 1965 après s’être vu refuser par Israël le droit de retourner dans mon pays natal en raison de ma catégorie religieuse et ethnoculturelle.

Je suis fier de vivre dans un pays dont la Charte protège mes droits et libertés, comme la liberté d’expression et le droit à l’égalité, qui m’ont été refusés dans mon pays natal.

Je suis très préoccupé par le racisme anti-palestinien promu récemment par certains hommes politiques et par les grands médias en diabolisant les Palestiniens, ainsi que les centaines de milliers de Canadiens de toutes confessions et races qui se sont rassemblés partout au pays pour soutenir les droits des Palestiniens et ont appelé à mettre un terme à l’assaut en cours d’Israël contre la bande de Gaza occupée, qui a tué jusqu’à présent 40 000 Palestiniens et inflige la famine à 1,2 million de personnes.

Le 26 janvier 2024, la Cour internationale de Justice (CIJ) a conclu que les Palestiniens de Gaza étaient confrontés à un « risque réel et imminent » de génocide. La CIJ a ordonné à Israël de mettre fin aux attaques contre les Palestiniens, de mettre fin aux incitations à la haine contre les Palestiniens et de garantir une aide humanitaire aux Palestiniens. Cependant, Israël a complètement ignoré ces ordres.

Répondant aux demandes populaires, le Parlement canadien a réagi rapidement en adoptant une motion le 18 mars 2024 appelant à un cessez-le-feu immédiat et à la fin des exportations d’armes vers Israël. Tous les députés libéraux ont voté pour la motion, à l’exception des députés libéraux Anthony Housefather, Marco Mendecino et Benn Carrall qui se sont joints aux députés du Parti conservateur pour voter contre la motion.

Ces trois députés libéraux se sont opposés à un cessez-le-feu, même si Israël avait tué à cette époque 31 645 Palestiniens, dont 70 pour cent étaient des enfants et des femmes, et infligeait la famine à 1,2 million de personnes.

Dans un article du National Post du 27 mars 2024, Housefather a déclaré qu’il était un « fier sioniste » qui croit que les Juifs ont le droit d’avoir un État sur leur terre ancestrale puisque les Juifs sont autochtones dans la région, et qu’Israël est un endroit où tous les Juifs du monde pourraient y aller pour des raisons de sécurité.

De manière alarmante, l’article de Housefather ignore complètement le fait que les Sémites palestiniens chrétiens et musulmans sont également indigènes dans la région et que Jésus est né à Bethléem, a grandi à Nazareth, d’où est originaire ma famille, et que le christianisme est né en Palestine. Il cache également le fait que 6 millions de réfugiés palestiniens [y compris ma famille] se voient refuser le droit de retourner dans leur patrie depuis 1948, en violation de la résolution 194 de l’ONU de décembre 1948 et de l’article 13 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme.

Ce faisant, Housefather soutient l’idéologie raciste du sionisme israélien qui relègue un statut inférieur aux chrétiens et aux musulmans etce qui veut effacer la Palestine, l’histoire et la culture palestiniennes en promouvant le racisme anti-palestinien.

Housefather passe également sous silence les 65 lois israéliennes qui discriminent systématiquement ses 2,1 millions de citoyens et citoyennes palestiniens chrétiens et musulmans qui constituent 21 % de sa population, et il ignore également la loi israélienne sur l’État-nation adoptée en 2018 qui ignore complètement la présence de ces citoyens et citoyennes en définissant Israël comme un État « juif », et en affirmant que seuls les Juifs ont le droit à l’autodétermination.

Malgré ces lois racistes, Housefather soutient passionnément Israël, quoi qu’il fasse. En tant que chrétien, je m’opposerais sans conteste à toute loi canadienne qui accorderait des droits supérieurs aux chrétiens par rapport aux juifs, aux musulmans, aux hindous, aux sikhs, aux bouddhistes, etc.

Il n’est pas surprenant que d’importantes organisations de défense des Droits de l’Homme – dont Amnestie Internationale  basée au Royaume-Uni, Human Rights Watch basée à New York et B’Tselem d’Israël – aient récemment conclu qu’Israël est coupable d’avoir commis les crimes contre l’humanité,coupable  d’apartheid, et de persécution contre les Palestiniens chrétiens et musulmans indigènes. Ces résultats affirment que la contestation des pratiques racistes d’Israël contre les Palestiniens est une forme légitime d’expression politique de la part de tout Canadien.

Housefather a également affirmé que les étudiants juifs sont intimidés sur le campus par les campements pro-palestiniens et que les universités devraient prendre des mesures contre les étudiants et les professeurs qui condamnent injustement l’attaque israélienne contre la bande de Gaza occupée. Il a également accusé la police de ne pas en faire assez pour poursuivre pénalement les étudiants qui offensent les partisans d’Israël.

Les allégations de Housefather ont été rejetées par le juge de la Cour supérieure de l’Ontario, Markus Koehnen, qui a statué le 3 juillet 2024 que même si l’Université de Toronto avait le droit d’expulser les étudiants protestataires de leur propriété, l’université et les intervenants dans cette affaire n’avaient pas réussi à prouver que la manifestation était antisémite ou raciste. La décision du juge Koehnen se lit comme suit : « Le camp lui-même compte des personnes d’origines diverses, notamment des musulmans et des juifs. Il organise des Shabbats hebdomadaires impliquant des juifs et des musulmans. Les membres juifs et musulmans du camp ont témoigné de sa nature inclusive et pacifique. »

Et le 24 mai 2024, la Cour internationale de Justice a conclu une fois de plus — dans la foulée de jugements antérieurs de janvier et mars — que les Palestiniens de Gaza sont confrontés à un risque réel et imminent de génocide (en raison du risque particulier posé par l’offensive actuelle) à  Rafah.  La Cour a ordonné à Israël de mettre immédiatement fin à son offensive militaire là-bas, qu’il a défiée de manière belliqueuse. Ces affaires importantes mettent à l’épreuve l’intégrité de nos valeurs canadiennes et de notre prétendu ordre juridique international libéral.

À une époque où le caractère d’apartheid d’Israël est largement reconnu par la communauté internationale des droits de la personne, où Israël est jugé pour génocide plausible devant la Cour internationale de Justice, et où le procureur en chef de la Cour pénale internationale a demandé le 26 mai 2024 a demandé des mandats d’arrestation contre les dirigeants israéliens pour avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité dans la bande de Gaza occupée, les apologistes d’Israël comme Housefather tentent de faire de la critique des pratiques racistes et criminelles de l’Israël sioniste un délit disqualifiant.

La nomination, le 5 juillet, de Housefather – qui ne tient pas compte de l’apartheid et de l’idéologie génocidaire du sionisme israélien – au poste de conseiller spécial pour les relations avec la communauté juive et l’antisémitisme,  pourrait menacer les valeurs canadiennes, notamment l’égalité et la liberté d’expression. Housefather veut faire pression sur les institutions gouvernementales pour qu’elles mettent en œuvre la définition de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) – une définition trompeuse qui considère toute critique d’Israël, même la simple description de la situation dans la bande de Gaza occupée, comme antisémite. Il s’agit d’une situation absurde et dangereuse que le gouvernement doit éviter et rejeter sans ambivalence.

En tant que « fier » sioniste, Housefather, utilisant la définition trompeuse de l’IHRA, appellera à la criminalisation des discours associant l’Israël sioniste au racisme et au génocide, ce qui mettrait en péril non seulement la liberté d’expression pacifique et progressiste au Canada, mais mettrait également en péril le soutien à résolutions adoptées démocratiquement aux Nations Unies.

Ceci, à son tour, sera utilisé pour calomnier les critiques dominantes des Droits de l’Homme à l’encontre d’Israël par des organisations crédibles comme Amnestie Internationale et Human Rights Watch, les qualifiant d’antisémites. Si l’on suit cette perversion grotesque de la logique de la part de l’IHRA, alors même l’organisation israélienne de défense des droits de l’homme B’Tselem s’avérerait antisémite!

En utilisant la définition trompeuse de l’IHRA, tout critique d’Israël – y compris les Voix juives indépendantes, Jews Say No to Genocide, les Juifs antisionistes comme Naomi Klein et Avi Lewis, les opposants au sionisme chrétien comme l’Église presbytérienne des États-Unis et les universitaires israéliens acclamés comme Ilan Pappé et Raz Segal – pourraient être menacés, harcelés, exclus et licenciés de leurs emplois en raison de leurs opinions.

De plus, si rien n’est fait, Housefather fera pression sur toutes les institutions pour qu’elles rejettent le racisme anti-palestinien en tant que concept et ciblerait le conseil scolaire du district de Toronto qui a adopté le racisme anti-palestinien dans sa stratégie antiraciste le 20 juin 2024.

La lutte contre l’antisémitisme et toute forme de racisme nécessite une personne engagée et qualifiée qui défend l’égalité et la liberté d’expression pacifique, et rejette l’affirmation fausse selon laquelle l’Israël sioniste représente les Juifs, tout comme on rejetterait l’affirmation fausse selon laquelle l’État islamique en Irak et en Syrie (ISIS ) représente les musulmans.

Indéniablement, Housefather est un sioniste engagé qui ignore l’idéologie suprémaciste raciste du sionisme israélien et s’est opposé à la motion de cessez-le-feu du Parlement visant à mettre fin au génocide en cours des Sémites palestiniens par Israël. La triste réalité est que Housefather, en tant que conseiller spécial, utilisera sa position pour saper la liberté d’expression pacifique en diffamant, diabolisant et détruisant les critiques des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité de l’Israël sioniste.

Khaled Mouammar est un Canado- Palestinien chrétien dont la famille a été forcée de fuir Haïfa, en Palestine, au début de 1948, et de chercher refuge au Liban. Il a immigré au Canada en 1965.

Khaled est membre fondateur de la Fédération canado-arabe (FAC) en 1967 et a été membre de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada de 1994 à 2005.

NOTE DE PAJU: Que représentent réellement Anthony Housefather et Justin Trudeau ?:

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