8 Sep, 2025

Une candidate pro-Israël aux élections municipales de Sherbrooke

PALESTINIENS ET JUIFS UNIS

Contexte

Pour les prochaines élections municipales, le parti municipal de la ville de Sherbrooke « Vision Action Sherbrooke » présente une candidate israélienne dont les activités passées sur Internet et l’absence de participation à la mobilisation citoyenne en faveur des droits de la personne en Palestine révèlent une position sioniste et pro-israélienne.

En réponse aux critiques, le parti a empressé sa candidate d’émettre une déclaration. Or, pour toute personne familière avec la situation géopolitique, il est évident que cette déclaration ne fait que renforcer la position pro-israélienne et sioniste de la candidate et que cette empathie pour le peuple palestinien n’est qu’un écran de fumée politique.

Déclaration trompeuse idéalisant l’État d’apartheid

Dès le début de la déclaration, Mme Grinberg décrit une idéalisation trompeuse de sa patrie Israël. Elle fait l’éloge d’un Israël utopique, omettant de préciser que depuis sa création, cet État s’est construit sur le massacre, la dépossession et l’expulsion de Palestiniens de leurs terres, un événement connu comme la “Nakba”. La version des faits de Mme Grinberg masque les fondements colonisateurs et racistes du projet sioniste. Cet État a été fondé sur un nettoyage ethnique, non pas sur un “idéal humaniste”, dans une violation évidente du droit international. Cette glorification nostalgique d’Israël efface les réalités historiques et détourne l’attention des violences structurelles qui perdurent depuis. Renvoyer à un “contraste” entre idéal et réalité actuelle minimise la réalité historique d’Israël en tant qu’État colonial de peuplement qui viole impunément à répétition le droit international.

Récit personnel

Mme Grinberg affirme avoir reçu ses “valeurs d’équité” dans les kibboutz. Or, présenter les kibboutz comme des exemples d’équité ne fait que masquer la réalité : ces peuplements ont été érigés sur des terres palestiniennes expropriées, dont les populations ont été chassées ou massacrées. Les kibboutz ont été construits dans un système colonial qui repose sur l’exclusion des Palestiniens et cette réalité permet difficilement de légitimer l’existence de l’État d’Israël, un État voyou qui ne peut prétendre incarner les valeurs d’équité puisqu’il repose sur un nettoyage ethnique et un racisme institutionnel. 

Critique feutrée qui ne remet pas en doute les fondements de l’État d’Israël

Mme Grinberg omet intentionnellement d’employer les termes réels : le génocide, l’occupation illégale et le régime d’apartheid. Plutôt que de parler d’un nettoyage ethnique, d’un massacre, d’un génocide, d’un blocus, d’une famine mortelle provoquée, elle fait référence à “ce que le gouvernement israélien inflige à Gaza“. Elle condamne les colons (comme le fait déjà le Canada), mais ne condamne pas le régime qui les appuie, l’armée qui les défend, ni le système qui les soutient. Pas plus qu’elle ne condamne les colonies illégales qui se multiplient à un rythme effréné. Ce refus de nommer et d’être claire nous amène à supposer qu’elle est d’accord avec le projet sioniste, l’apartheid et l’occupation sans lesquelles l’État d’Israël ne saurait exister.

Distinction artificielle entre gouvernement et peuple israéliens

Elle oppose un gouvernement “dérivant” à une “société civile israélienne courageuse”. Ici, il convient de rectifier qu’aux derniers sondages, la population israélienne appuyait à 82 % les opérations militaires menées à Gaza. Les dissidents sont si peu nombreux qu’ils n’ont pas de poids politique dans cette société largement sioniste.

La candidate se porte à la défense morale d’Israël “au-delà des dirigeants”, ce qui dans les faits revient à légitimer l’État israélien structurellement. Critiquer Netanyahou sans dénoncer le système d’apartheid et les lois discriminatoires en place en Israël minimise le problème réel à la base des crimes commis contre la population palestinienne.

L’idée selon laquelle “le peuple israélien a les clés du changement” est tout simplement fausse. Netanyahou est premier ministre d’Israël depuis 2022, après avoir occupé ce poste de 1996 à 1999 et de 2009 à 2021. C’est le premier ministre qui a servi le plus longtemps dans l’histoire d’Israël, avec un total de plus de 17 ans au pouvoir. Si Israël est un État démocratique, le peuple israélien a voté systématiquement pour Netanyahou et d’autres dirigeants sionistes de droite tout au long des 30 dernières années et il n’y a eu aucune transition vers la justice ou renversement du système oppressif d’apartheid en Israël.

Omission et asymétrie

La déclaration appelle à un “désarmement complet des groupes terroristes”, sans présenter le contexte politique dans le cadre duquel la résistance armée est apparue.

  • Elle omet de mentionner l’occupation illégale par Israël des territoires palestiniens et l’oppression constante de ce peuple depuis 1948.
  • Elle ne mentionne aucun des massacres du peuple palestinien ayant eu lieu entre 1948 et 2023.
  • Elle omet également de reconnaître que l’occupation israélienne, les colonies illégales et le siège de Gaza sont eux-mêmes des formes de violence politique et militaire structurelle qui ont mené à la résistance du peuple palestinien.

Condamner le Hamas sans critiquer l’occupation illégale est une prise de position unilatérale qui légitime la violence d’Israël. Et demander le désarmement sans exiger le démantèlement des colonies israéliennes et la fin de l’apartheid est une asymétrie flagrante. La candidate minimise la gravité et la structure de la politique coloniale en omettant de mentionner que les colons violents sont soutenus inconditionnellement par le gouvernement, l’armée et l’appareil judiciaire, ce qui ne constitue pas seulement une “impunité” superficielle.

Stigmatisation des critiques

Finalement, la candidate accuse implicitement les citoyens qui la dénoncent de diviser la société en insistant sur la “paix” et “l’inclusion”, alors qu’au contraire, dénoncer les crimes d’Israël et le génocide vise à défendre la justice et les droits de la personne.

Elle présente les citoyens qui la critiquent comme des personnes qui creusent les différences et cherche à les discréditer en les qualifiant à tort de sources de division sociale. Elle utilise une tactique classique de stigmatisation en faisant de ces citoyens des boucs émissaires accusés de fragiliser la cohésion sociale, alors que c’est elle qui défend un État aux pratiques violentes et discriminatoires. Cette inversion des rôles vise à isoler moralement et politiquement ceux et celles qui luttent pour la justice en les présentant comme des perturbateurs sociaux. Il s’agit d’une tactique typique des sionistes. Dans son dernier paragraphe, Mme Grinberg est loin d’être neutre : elle a recours à une rhétorique qui vise à neutraliser la critique à son égard en stigmatisant les citoyens qui la dénoncent.

Voici la déclaration publiée par Mme Grinberg, dont PAJU (Palestiniens et Juifs unis) a pris connaissance. Notre communiqué s’avère la réponse à ce même texte :

« Il fut un temps où Israël incarnait un idéal progressiste et humaniste qui inspirait le monde entier. Cette nation née des cendres de la Shoah portait en elle les valeurs de justice sociale, d’égalité et de respect des droits humains. Les kibboutz, où je suis née et dont les valeurs d’équité m’ont été inculquées par mes parents, symbolisaient un modèle de société solidaire, et Israël était perçu comme un phare démocratique au Moyen-Orient.

Aujourd’hui, ce contraste avec la réalité actuelle rend d’autant plus douloureuse la situation à laquelle nous assistons. Ce que le gouvernement israélien inflige à Gaza est proprement horrible et ne trouve aucune justification. Cette tragédie humanitaire trahit les valeurs fondatrices d’un État qui se voulait exemplaire.

Parallèlement, les colons religieux qui brutalisent les Palestiniens en Cisjordanie commettent des actes criminels qui auraient dû depuis longtemps faire l’objet de poursuites fermes de la part de la justice israélienne. Cette impunité représente une dérive inquiétante qui éloigne encore davantage mon Israël, tel que je le connaissais, de ses idéaux originels.

J’ai toutefois l’espoir que la société civile israélienne, qui s’oppose courageusement au gouvernement actuel, parviendra à opérer les changements nécessaires. Puisse-t-elle réussir à se débarrasser de ce gouvernement et retrouver cette démocratie vibrante et respectueuse des droits que j’ai eu la chance de connaître dans ma jeunesse.

Je tiens à préciser que je n’ai jamais voté pour Netanyahu et que si j’habitais en Israël aujourd’hui, je me serais sans hésitation jointe à toutes ces manifestations qui réclament un changement démocratique. Cette résistance civile me donne encore foi en la possibilité d’un sursaut.

Cette société israélienne qui manifeste dans les rues, qui refuse la dérive autoritaire et qui défend encore les valeurs démocratiques, représente peut-être la dernière chance de renouer avec cet idéal perdu. Car au-delà des dirigeants, c’est bien le peuple israélien lui-même qui détient les clés d’un retour aux sources de ce projet national originel.

Cependant, toute réflexion honnête sur cette situation doit également inclure une condamnation sans ambiguïté du massacre du 7 octobre perpétré par le Hamas. De même, toute perspective de reconnaissance d’un État palestinien doit impérativement s’accompagner du désarmement complet des groupes terroristes et de la libération des otages israéliens. Ma position se veut équilibrée :  je condamne à la fois les excès révoltants du gouvernement Netanyahu ET le terrorisme odieux du Hamas, car c’est précisément au nom des valeurs démocratiques et du respect des droits humains que je m’exprime.

Ici à Sherbrooke, je souhaite avant tout promouvoir la paix et l’inclusion. Notre ville se doit d’être un modèle exemplaire du vivre ensemble, démontrant qu’il est possible de transcender les divisions qui déchirent d’autres régions du monde. 

Face aux défis de demain, notamment l’accueil de nouveaux réfugiés de toutes origines – qu’ils viennent de Palestine, d’Ukraine, du Yemen ou de toute autre région du monde -, nous avons la responsabilité de montrer qu’une intégration bienveillante et respectueuse est possible. Cependant cette mission ne peut réussir qu’avec l’aide des groupes communautaires, partiellement financés par la ville, qui contribuent à cette intégration amicale et réussie. 

C’est dans cette ouverture à l’autre, dans cette capacité à voir l’humanité commune au-delà des origines et des blessures du passé, que réside notre plus grand potentiel. Sherbrooke peut devenir ce lieu de paix où se construisent les ponts plutôt que les murs, où l’accueil chaleureux remplace la méfiance, et où chaque nouveau venu trouve sa place dans une communauté unie par ses valeurs humanistes plutôt que divisée par ses différences.

Addendum au communiqué

*** Nous ajoutons ici le lien à un vidéo sur Instagram qui fait allusion à l’appui de Mme Grinberg pour la fondation Azrieli, un organisme ayant le statut d’organisme de bienfaisance au Canada, lequel soutient les colonies illégales israéliennes avec l’argent des contribuables canadiens. PAJU milite contre ces mêmes groupes qui opèrent sous l’égide de prétendues organisations caritatives et qui soutiennent Israël et son génocide à Gaza. PAJU a été impliqué avec Just Peace Advocates et autres groupes dans le processus qui a abouti à la perte du statut d’organisme de bienfaisance du Fonds national juif au Canada.

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Contact : info@paju.org

 Information reçue dernièrement : https://www.latribune.ca/actualites/politique/2025/08/30/elections-municipales-la-candidate-agar-grinberg-quitte-vision-action-sherbrooke-7ZXJRM6SCBBE3GHTOARDJBZ5AY/

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