La mobilisation contre l’Autorité Palestinienne continue après l’assassinat d’un opposant
L’assassinat de Nazir Banat par l’Autorité Palestinienne a déclenché des mobilisations massives pour demander la démission de Mahmoud Abbas. Quelques semaines après un mouvement populaire imposant contre la colonisation israélienne, celui-ci doit faire face à une nouvelle génération de Palestiniens déterminés à lutter contre une autorité soumise à l’État colonial d’Israël.
Mardi 6 juillet 2021
Depuis le début de la résistance lancée dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est contre l’expulsion des familles arabes du quartier, le mouvement palestinien a fait face à une féroce répression de la part de l’État d’Israël et au remplacement de Netanyahou par l’extrême droite de Naftali Benett.
Ce mouvement, allant de la résistance des quartiers de Jérusalem à la tentative d’unification du mouvement en Cisjordanie, en Israël et dans les camps de réfugiés des pays alentours, à travers des expériences comme la grève générale du mois dernier fait plus explicitement face à un autre adversaire qui avait pris soin de garder le silence pendant les bombardements criminels de la bande de Gaza. L’Autorité Palestinienne, dirigée historiquement par le Fatah de Mahmoud Abbas, fait depuis plusieurs jours face à des mobilisations dans les villes cisjordanienne où la résistance contre Israël avait été la plus claire.
Des mobilisations massives avaient eu lieu à Ramallah, Hébron et dans de nombreuses autres villes de la Cisjordanie sous l’Autorité Palestinienne à la suite de l’annonce de la mort de Nazir Banat, militant politique assassiné par les forces de sécurité palestinienne. Nazir Banat était un militant et journaliste d’opposition à l’Autorité palestinienne et à Mahmoud Abbas qui avait de nombreuses fois été menacé de mort par la direction du Fatah, notamment lorsqu’il s’était présenté aux élections (alors annulée par Abbas) de mai dernier.
Il a été assassiné à la suite d’une mobilisation importante à Ramallah contre l’Autorité Palestinienne. Arrêté par les forces de sécurité, sa famille a appris le lendemain qu’il avait été battu à mort, ce qui a réactivé avec force les mobilisations dans les rues de Cisjordanie.
Encore hier des mobilisations avaient lieu dans les plus grandes villes de Cisjordanie, soulignant le discrédit important de l’Autorité Palestinienne soumise ces dernières années à une compromission chaque fois plus grande aux intérêts de l’État colonial d’Israël et à la montée des méthodes autoritaires de maintien de la sécurité. Comme le souligne Amira Hass, cette politique est avant tout liée à la volonté du Fatah à la tête de l’Autorité Palestinienne de se poser comme garant d’un maintien de l’ordre et un évitement des conflits entre les Palestiniens et l’ordre colonial israélien afin d’assurer la mise en place de nouveaux accords économiques et la reconnaissance progressive de la Palestine sur le terrain international. Non seulement cette politique est un échec cuisant, et ce depuis les accords d’Oslo qui ont signé le début de ce tournant stratégique, mais elle justifie surtout que la direction du Fatah se positionne comme meilleure garant du colonialisme d’Israël que de la défense du peuple palestinien dans son affrontement avec le nouveau gouvernement d’extrême droite de Naftali Benettt.
Amira Hass rappelle d’ailleurs dans son interview pour Haaretz titrée Comment Israël, le Fatah et l’AP unissent leurs forces pour faire taire les mobilisations palestiniennes : « L’Autorité Palestinienne va d’échecs en échecs, et n’a même pas pu obtenir la fameuse loi qui devait permettre le regroupement familial des palestiniens séparés par les frontières israéliennes. […] Son rôle actif aujourd’hui est de maintenir le statu quo et d’empêcher des affrontements directs avec les forces israéliennes. […] Le Fatah aujourd’hui demande l’autorisation et attend le consentement d’Israël. Pourquoi demander le consentement de l’occupant ? » Comme elle l’explique dans son interview, il existe une profonde aspiration démocratique au sein du peuple palestinien qui voit désormais l’autorité palestinienne comme un organe corrompu prêt à tout pour suspendre les instances démocratiques qui la mettraient en péril, alors qu’en mai dernier près de 93% des électeurs palestiniens s’étaient inscrit sur les lites électorales, un chiffre historique. Dans les manifestations organisées aujourd’hui, Amira Hass insiste « il y a surtout d’activistes de gauche, mais aussi des militants du Hamas, voire même des militants du Fatah, dans ces manifestations durement réprimées ».
Les mobilisations ont repris depuis samedi à la suite d’une profonde répression qui a été largement dénoncée par la presse internationale (non sans deux poids de mesure, car cette même presse s’empresse généralement de défendre les bombardements organisés par Israël sur la bande de Gaza, à l’instar du Monde).
Middle East Eye rapporte que l’une de ses collaboratrices, Shattah Hammad a fait partie des femmes journalistes particulièrement visées par la répression de l’AP, qui a utilisé des méthodes d’agents de sécurité en civils pour organiser la répression depuis l’intérieur de la manifestation. À son tour, l’avocat et militant politique d’opposition à l’AP, Farid al-Atrash, a été arrêté puis interné le lendemain dans un hôpital sous surveillance, et ce sûrement dû aux conséquences de sa violente arrestation.
Alors que le nouveau gouvernement d’extrême droite de Naftali Benett a relancé de plus belle l’offensive colonialiste et mortifère contre le peuple palestinien tant dans la bande de Gaza que dans les territoires palestiniens occupés et en Cisjordanie, l’Autorité Palestinienne fait elle aussi face à une nouvelle génération de Palestiniens prêts à en découdre. Une jeunesse qui, de Sheikh Jarrah à l’organisation de la grève générale de mai dernier, démontre une combattivité qui souhaite se défaire de Mahmoud Abbas et de la direction du Fatah.
Bien que le Hamas ait profité des faiblesses de l’Autorité Palestinienne du fait de sa politique conciliatrice, les différentes directions du mouvement ont dû faire face à une nouvelle volonté d’unité du peuple palestinien qui ne s’était pas vue depuis les dernières intifada et qui pourraient pousser à les dépasser. Dans la résistance contre l’Éat d’Israël qui a eu lieu ces derniers mois, parmi une nouvelle génération de palestiniens, le questionnement de la direction de l’Autorité Palestinienne complice de la répression et des accords avec l’État colonial israélien depuis déjà plusieurs années a fait émergé un nouveau phénomène politique dans la jeunesse et est une étape essentielle à son dépassement et à sa lutte pour l’autodétermination.
DISTRIBUÉ PAR PAJU (PALESTINIENS ET JUIFS UNIS)
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