29 Juil, 2022

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38 Députés de l’Assemblée Nationale de la France contre l’apartheid d’Israël

Chadi Marouf

En vertu du droit international, pour qualifier un régime d’apartheid, il faut établir trois critères, un régime institutionnalisé d’oppression et de domination systématique d’un groupe racial par un autre, une intention de maintenir ce régime et un ou plusieurs actes inhumains énumérés par la convention sur le crime d’apartheid, tels que le transfert forcé de populations, tortures et meurtres, commis dans le cadre de ce régime institutionnalisé.

Condamnation du régime d’apartheid institutionnalisé par Israël contre le peuple palestinien

La présente proposition de résolution tend à la condamnation de l’instauration d’un régime d’apartheid par Israël contre le peuple palestinien, tant dans les Territoires Palestiniens Occupés (TPO) qu’en Israël et elle en appelle à son démantèlement immédiat.

Elle se fonde sur le corpus de droit et de principes internationaux en matière de droits humains susmentionnés, sur les centaines de résolutions du conseil de sécurité et de l’assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (ONU) condamnant la politique de colonisation israélienne dans les TPO, les résolutions de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) et les enquêtes et les rapports détaillés et circonstanciés d’organisations israéliennes, palestiniennes, internationales et non gouvernementales, qui démontrent que les lois, les politiques et les pratiques mises en place par les autorités israéliennes ont progressivement créé un régime d’apartheid contre le peuple palestinien.

Tous les critères pour qualifier le régime d’apartheid mis en place par l’état d’Israël sont réunis.

Israël a mis en place un régime institutionnalisé d’oppression et de domination systématique par un seul groupe racial et Israël a affirmé clairement son intention de maintenir un tel régime. Plusieurs actes inhumains sont couramment commis contre les palestiniens dans les TPO et en Israël.

Israël a institutionnalisé un régime d’oppression et de discrimination systématique appliqué à l’ensemble de la population palestinienne.

Depuis sa création en 1948, Israël mène une politique visant à instituer et à entretenir une hégémonie démographique juive et à amplifier son contrôle sur le territoire au bénéfice des juifs israéliens. En 1967, Israël a étendu cette politique à la Cisjordanie et à la bande de Gaza. 

Actuellement, tous les territoires sous le contrôle d’Israël restent administrés dans le but de favoriser les juifs israéliens aux dépens de la population palestinienne, tandis que les gouvernements israéliens successifs continuent de nier le droit au retour des réfugiés palestiniens depuis plus de soixante‑dix ans.

Les gouvernements israéliens successifs ont assimilé la population palestinienne à une menace démographique et ils ont imposé des mesures pour contrôler et pour réduire leur présence et leur accès aux terres en Israël et dans les TPO. Ces objectifs démographiques sont visibles dans les plans officiels de judaïsation de certaines zones en Israël et en Cisjordanie, y compris à Jérusalem‑Est, des plans qui exposent des milliers de palestiniens au risque de transfert forcé. Depuis 1967, la résidence permanente de plus de quatorze mille palestiniens a été révoquée par la discrétion du ministère de l’intérieur, ce qui entraîne leur transfert forcé en dehors de la ville. L’expansion des colonies israéliennes illégales à Jérusalem‑Est pousse les palestiniens hors de chez eux et confine la population palestinienne dans des enclaves de plus en plus petites.

Les juifs israéliens et les arabes palestiniens de Jérusalem‑Est et de Cisjordanie vivent sous un régime qui différencie la répartition des droits et des avantages sur la base de l’identité nationale et ethnique et qui assure la suprématie d’un groupe sur l’autre. Les autorités israéliennes traitent les palestiniens comme un groupe racial inférieur défini par son statut arabe non‑juif. Cette discrimination raciale est ancrée dans des lois qui affectent les palestiniens partout en Israël et dans les TPO.

Les différences dans les conditions de vie et dans les droits liés à la citoyenneté sont manifestes, profondément discriminatoires et maintenues par une oppression systématique et institutionnalisée. Citons notamment la loi sur la nationalité, la loi sur la citoyenneté, la loi antiterroriste, la loi sur la planification et la construction et la loi sur la colonisation. Citons également les nouvelles réglementations israéliennes sur les étrangers se rendant en Cisjordanie qui ont pris effet le 5 juillet 2022. Les palestiniens qui détiennent des passeports étrangers seront soumis à une réglementation restrictive s’agissant de l’entrée et de la résidence en Cisjordanie occupée. Des experts juridiques soulignent qu’il s’agirait ainsi pour Israël de tenter de restreindre et de suivre les déplacements des ressortissants étrangers dans les TPO, de contrôler la croissance de la population palestinienne et de conserver des données sur les revendications territoriales des palestiniens possédant des nationalités étrangères.

Rappelons, en outre, que les réfugiés palestiniens et leurs descendants, qui ont été déplacés, de force, lors des conflits de 1948 et de 1967, restent privés du droit de revenir dans leur ancien lieu de résidence. Cette exclusion des réfugiés imposée par Israël est une violation flagrante du droit international.

La dépossession et le déplacement des palestiniens hors de chez eux constituent un pilier central du système d’apartheid israélien. Depuis sa création, l’état israélien a mis en œuvre à grande échelle des saisies foncières contre la population palestinienne et il continue d’imposer un grand nombre de lois et de politiques pour l’enfermer dans de petites enclaves. Depuis 1948, Israël a exproprié et démoli des centaines de milliers de logements et de bâtiments palestiniens dans toutes les zones relevant de sa juridiction et de son contrôle effectif.

L’Organisation Non Gouvernementale (ONG) israélienne Betselem rapporte un nombre estimé de six cent soixante-deux mille colons israéliens en Cisjordanie à la fin de l’année 2020 dont près de deux cent vingt mille colons à Jérusalem‑Est. En Cisjordanie, les colons représentent quatorze pour cent de la population. Le taux de croissance de la population des colons a augmenté de quarante-deux pour cent par rapport à l’année 2010 et a plus que quadruplé depuis l’année 2000.

Lors des huit premiers mois de l’année 2021, les autorités israéliennes ont fait démolir six cent soixante-six maisons et autres structures palestiniennes en Cisjordanie, y compris à Jérusalem‑Est, déplaçant neuf cent cinquante-huit palestiniens, soit une hausse de trente-huit pour cent par rapport à la même période de 2020, selon l’Office for the Coordination of Humanitarian Affairs (OCHA) de l’ONU. La plupart de ces immeubles ont été démolis faute d’être dotés de permis de construire, alors que les autorités rendent l’obtention de tels permis presque impossible pour les palestiniens dans ces secteurs. Au mois de juillet 2022, les autorités israéliennes ont fait raser, pour la sixième fois en moins d’un an, les maisons de la plupart des habitants de la communauté palestinienne de Khirbet Humsah, dans la vallée du Jourdain, au motif qu’elles se trouvaient dans un secteur désigné comme zone de tir, déplaçant soixante-dix personnes, dont trente-cinq enfants.

Israël exprime une intention claire de maintenir le régime d’apartheid. Le régime d’oppression et de domination des autorités israéliennes contre les palestiniens dure, au moins, depuis le début de l’occupation israélienne en ce qui concerne les TPO de 1967 et depuis 1948 pour les palestiniens d’Israël.

La durée dans le temps de l’oppression est un signe manifeste de l’intention de maintenir ce régime.

L’annexion israélienne de Jérusalem‑Est, formalisée en 1980, rend évidente l’intention de domination coloniale, l’annexion de facto du reste de la Cisjordanie également, ainsi que la volonté d’annexion formelle déclarée officiellement par le premier ministre israélien en 2020.

Le 22 avril 2020, Benny Gantz et Benyamin Netanyahou ont annoncé leur accord de gouvernement d’urgence avec au cœur de celui‑ci l’annexion de la vallée du Jourdain et des colonies en Cisjordanie, rendue possible dès le premier juillet 2020.

Le système d’oppression et de discrimination systématique a été établi dans l’intention de maintenir la domination d’un groupe ethnique, national et racial, contre un autre. Les leaders politiques israéliens, passés et présents, ont déclaré à plusieurs reprises qu’ils avaient l’intention de conserver le contrôle de l’ensemble des TPO afin d’agrandir les blocs de terre pour les colonies juives actuelles et futures, tout en confinant les palestiniens dans des réserves de population. Dans ce système particulier, les libertés d’un groupe sont inextricablement liées au maintien de l’assujettissement de l’autre groupe.

Israël a perpétré plusieurs actes inhumains énumérés par la convention sur le crime d’apartheid contre le peuple palestinien.

Ce système de discrimination institutionnalisée en vue d’une domination permanente est construit sur la pratique régulière d’actes inhumains, tels que des exécutions arbitraires et extrajudiciaires, des actes de tortures, la mort violente d’enfants ou le déni des droits humains fondamentaux.

Les arrestations arbitraires et les détentions administratives de palestiniens, y compris de nombreux enfants, soumis à des procès non équitables et aux actes de violence contre les détenus, mais aussi au transfert de détenus palestiniens dans des prisons israéliennes, constituent des atteintes au droit humanitaire international et aux droits humains. À cet égard, la détention arbitraire de l’avocat et défenseur franco-palestinien des droits humains, Salah Hamouri, par les forces d’occupation israéliennes illustre parfaitement le fonctionnement du régime d’apartheid israélien. Harcelé depuis des années par le gouvernement israélien pour son action en faveur des droits humains, il fait l’objet de détentions administratives à répétition et il subit de mauvais traitements infligés par les autorités israéliennes.

Comme le souligne Michael Lynk, ancien rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits humains dans les TPO depuis 1967, « la répétition des actes susmentionnés sur de longues périodes, de même que leur aval par le parlement israélien et par le système judiciaire israélien, indique qu’ils ne sont ni aléatoires ni isolés, mais qu’ils font partie intégrante du système de domination israélien ».

Dans les TPO, les forces israéliennes recourent régulièrement à une force meurtrière afin d’étouffer les actions de protestation de palestiniens revendiquant le respect de leurs droits.

Au mois de mai 2021, lors des bombardements intensifs israéliens, contre des endroits densément peuplés où vivent des populations civiles, deux cent soixante palestiniens ont été tués, dont soixante-six enfants, et deux mille deux cent palestiniens ont été blessés, certains d’entre eux étant susceptibles de souffrir de handicap à long terme nécessitant une rééducation, selon l’OCHA de l’ONU.

En Cisjordanie occupée, soixante-dix-sept personnes ont été tuées par les soldats israéliens, le résultat de la politique de l’armée israélienne autorisant à tirer à balles réelles contre des palestiniens.

Entre le 21 juin 2021 et le 11 mai 2022, au moins soixante-dix-neuf palestiniens, dont quatorze enfants, ont été tués par les forces armées israéliennes dans les TPO, selon l’OCHA de l’ONU et les informations recueillies par Amnesty International.

Le 11 mai 2022, la journaliste américano‑palestinienne Shireen Abu Akleh est morte, touchée par un tir à la tête alors qu’elle couvrait un raid de l’armée israélienne dans la ville de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée. La journaliste portait une veste pare‑balles, sur laquelle était inscrit le mot « presse » et un casque de protection. Elle a été la cible d’un tir d’un soldat israélien utilisant un fusil de précision et elle a été touchée juste sous la coupe de son casque. Il s’agit manifestement d’une infraction grave aux conventions de Genève et à la résolution du conseil de sécurité de l’ONU sur la protection des journalistes, mais aussi potentiellement d’un crime de guerre qui pourrait être jugé par la Cour Pénale Internationale (CPI).

L’assassinat de Shireen Abu Akleh par les forces d’occupation et le refus d’Israël d’ouvrir une enquête internationale témoigne du système meurtrier dans lequel Israël enferme la population palestinienne.

Cet enfermement est parfaitement illustré par le blocus de la bande Gaza institué depuis le mois de juin 2007 par Israël qui organise une politique inhumaine d’isolement de toute une population. En quatorze années de blocus, la situation s’est considérablement dégradée, la population de Gaza n’a pas accès à son espace aérien, son espace maritime a été grandement amputé et les autorités israéliennes empêchent la plupart de la population de Gaza de traverser le poste de contrôle d’Erez, seul point de passage entre Gaza et Israël par lequel les palestiniens peuvent se rendre en Cisjordanie et à l’étranger. Ce blocus militaire israélien entrave l’accès à l’eau, l’assainissement et l’accès à l’énergie des deux millions d’habitants de la bande de Gaza.

Le coordinateur humanitaire de l’ONU pour les territoires palestiniens, déplorait déjà en 2010, ce blocus persistant, à l’origine de la détérioration en cours des déterminants sociaux, économiques et environnementaux de la santé. Il entrave la fourniture de matériel médical et la formation du personnel de santé et il empêche les patients atteints de maladies graves d’obtenir en temps opportun des traitements spécialisés en dehors de Gaza. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) déclarait également en 2011, que « le blocus compromet l’exercice du droit à la santé des palestiniens de Gaza ».

La situation s’est largement détériorée depuis. La circulation des palestiniens fait en effet aujourd’hui l’objet d’un contrôle sans précédent.

Les autorités israéliennes ont renforcé le blocus lors de la pandémie de coronavirus. Lors des neuf premiers mois de 2021, quatre-vingt-six palestiniens de Gaza en moyenne sortaient du territoire chaque jour par le passage d’Erez, soit dix-sept pour cent seulement de la moyenne journalière de cinq cent palestiniens enregistrée en 2019 et moins d’un pour cent de la moyenne quotidienne de plus de vingt-quatre mille palestiniens enregistrée au mois de septembre 2000, selon Gisha, une organisation israélienne de défense des droits humains. Ce blocus constitue une violation des droits humains fondamentaux et une violation du droit humanitaire.

La reconnaissance de la réalité de ce régime d’apartheid par l’ensemble de la communauté internationale est indispensable pour permettre une résolution juste et durable du conflit israélo‑palestinien.

Depuis des années, il existe un nombre grandissant de travaux, d’enquêtes, de recherches d’universitaires, d’avocats, d’experts, d’associations, d’organisations et d’institutions internationales qui convergent pour la reconnaissance du fait qu’Israël a institué un régime d’apartheid contre la population palestinienne.

Source :https://www.fischer02003.over-blog.com/2022/07/proposition-de-loi-contre-l-apartheid.html

Voir :https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0143_proposition-resolution#

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