L’aide portée par les gouvernements occidentaux à Israël et à sa politique génocidaire est un fait qui s’étale au grand jour. Certains ont honte, d’autres affichent leur association et leur complicité sans complexe. Calculs géopolitiques (domination du Proche-Orient), capitulation au chantage financier et émotif, islamophobie (Israël dressé comme chien d’attaque contre « les musulmans ») et délire eschatologique pour les évangélistes sionistes participent de l’israélophilie occidentale. Les États-Unis ont versé à Israël 33 milliards de $ depuis le 7 octobre 2023 sous forme de milliers de tonnes de bombes qui ont dévasté Gaza, de systèmes d’armes et de dons en argent comptant.
Les gouvernements et les médias mainstream occidentaux ont utilisé tours, astuces et mensonges pour déformer la réalité, pour dédouaner Israël, pour justifier et camoufler les crimes israéliens, pour assurer l’impunité aux coupables, enfin pour détourner l’attention d’un génocide caractérisé. Les gouvernements et les médias mainstream occidentaux ont été les complices de la folie meurtrière qui s’est abattue sur les Gazaouis. Mais ce n’est pas tout. Ils ont aussi entrepris une campagne systématique de répression à l’encontre des personnes et des groupes qui s’exprimaient contre les abominations commises à Gaza et qui rappelaient les droits du peuple palestinien. À cette fin, ils n’ont pas hésité à fouler aux pieds les lois et les normes que leur propre société considère comme fondamentales. C’est là où la situation actuelle est tristement nouvelle.
Le passé et le présent
Les gouvernements et les médias mainstream occidentaux ont toujours fait de la propagande pour les intérêts occidentaux dans les affaires internationales et marginalisé ou ignoré les voix critiques. L’espace publique était monopolisé par le discours officiel qui passait pour « la vérité ». Les analyses sérieuses étaient disqualifiées a priori comme « complotistes », « conspirationnistes » ou à la solde de dirigeants ou d’organisations diabolisés (Saddam, Poutine). L’interdiction de parole, le refus de publier (au motif d’un « manque d’espace » ou autre prétexte) et l’annulation de réunions sont des pratiques bien connues.
La nouveauté actuelle est le passage de l’invisibilisation à la répression active de l’opposition. Il ne s’agit plus d’occulter l’opposition mais de la réduire au silence et de la punir par des mesures offensives d’ordre politique, juridique et policier. Arrestations, détentions, licenciements, extraditions, lynchages réputationnels, accusations de déviation de la ligne officielle deviennent normales. Les calomnies prennent un tour menaçant car transformées en accusations, évidemment gratuites, mais ayant des incidences judiciaires. Sont galvaudées à tort et à travers des insultes calomnieuses telles « discours haineux », « apologie du terrorisme », « antisémitisme ». L’instrumentalisation de l’« antisémitisme » et la criminalisation de l’appui au peuple palestinien bombardé, martyrisé et génocidé sont devenues politique officielle.
Répression préventive
L’action répressive s’est déployée dès le 7 octobre 2023. Avant même qu’une manifestation pro-palestinienne n’ait lieu, le gouvernement français l’interdisait au prétexte qu’elle serait « antisémite ». Les dirigeants israéliens ayant clairement déclaré leurs intentions génocidaires dès le début octobre 2023, les gouvernements occidentaux ont compris que des choses horribles allaient se produire à Gaza, que les populations occidentales en seraient indignées et qu’il fallait donc les museler et les menacer préventivement. Le conflit à Gaza a donné lieu au cas type de la répression officielle en soutien au camp auquel l’Occident est associé. Mais ce n’est qu’une forme plus extrême d’un modèle qui est apparu en février 2022 pour appuyer l’OTAN et le régime de Kiev contre la Russie. Dans une atmosphère d’hystérie collective fomentée en haut lieu, l’action répressive avait jeté une chape de plomb sur le débat public et favorisé le harcèlement de la pensée indépendante et la persécution de ceux qui la diffusaient.
Les droits démocratiques en danger
La crise de Gaza a aggravé toutes les violations. Les droits et les libertés ont été jetés aux orties. Le fait nouveau est la combinaison de l’action des lobbys sionistes et de la répression officielle par les pouvoirs publics occidentaux, ouvertement au service d’Israël. Mêmes des présidentes d’universités américaines ont été trainées dans la boue à la Chambre des représentants pour ne pas avoir fait assez contre les Palestiniens, et obligées de démissionner en 2023. Au Québec, en 2024, une ministre de l’Éducation supérieure, récemment membre du conseil d’administration d’un groupe de pression sioniste, s’est ingérée dans le contenu des cours en vue d’empêcher l’étude du conflit israélo-palestinien.
La collaboration entre groupes de pression et milieux gouvernementaux dans la destruction de l’édifice des droits et libertés est d’une gravité sans précédent. Motivé par le soutien à Israël, l’assaut contre les acquis démocratiques, fruit de décennies de luttes, se fait au profit d’Israël, mais il dépasse Israël. Ce soutien et son corollaire répressif deviennent une menace mortelle pour les fondements de la société occidentale et le levier de la réaction sur tous les plans. Israël apparaît comme le fer de lance d’une tendance au mépris des lois, à la droitisation et à l’autoritarisme dans le monde occidental.
Les instances internationales en danger
Malgré la décision de la Cour internationale de justice de 2024 qui rendait illégales l’occupation et la colonisation du territoire palestinien, de même que le blocus de Gaza, Israël a redoublé d’ardeur et a agi en toute impunité. La torture, les viols, les balles dans la tête des enfants, les hommes que l’on fait défiler en caleçon, les personnes qui sont brulées vivantes, la famine provoquée, les tentes que l’on fait exploser, les fosses communes où s’empilent des sacs bleus, les corps déchiquetés, les enfants amputés, les milliers de personnes mourantes sous les décombres, les journalistes et le corps médical visés, les hôpitaux bombardés, les êtres humains humiliés, les immeubles rasés, les lieux de sépulture profanés, les écoles, les universités et les lieux de culture détruits, les camions de ravitaillement bloqués, les gens tués sur les lieux de ravitaillement, et, circonstance aggravante et choquante, les manifestations de joie et l’autofélicitation du côté israélien en présence de ces crimes. Telle est l’énumération des faits plus accablants les uns que les autres. Pour déterminer laquelle des deux armées, celle d’Israël ou celle de l’Allemagne nazie, est la plus sadique, il faudrait faire appel à la psychopathologie.
Israël et les États-Unis ont agi en contravention flagrante de la Convention sur la prévention et la répression du génocide. Ils ont cherché à discréditer l’UNRWA (l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, en anglais : United Nations Relief and Works Agency for Palestine), de même que l’ONU, la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale.
Alors que le génocide se poursuivait, l’État américain est même allé jusqu’à imposer des « sanctions » complètement inhumaines aux juges de la Cour pénale international, mais aussi à la seule personne occidentale digne d’un prix pour la paix, Nobel ou autre, Francesca Albanese, la rapporteure spéciale des Nations unies sur les territoires palestiniens. Le 9 juillet 2025, sa liberté de mouvement était restreinte, il lui était reproché d’avoir collaboré avec la Cour pénale internationale (!), elle était accusée de « terroriser l’économie globale », son visa de séjour aux États-Unis était révoqué, tous ses avoirs étaient gelés. Les personnes qui font affaire avec elle sont susceptibles d’être poursuivies pour un milliard de dollars et 20 ans de prison. Elle est la mère d’une citoyenne des États-Unis et son époux travaille dans une organisation américaine. Sa fille est passible d’une sanction de 1 milliard de dollars si elle lui prépare un café ou un petit déjeuner. Albanese ne peut ouvrir un compte de banque. Personne ne peut collaborer avec elle maintenant. Les sanctions américaines ont produit un effet refroidissant sur tous ses collaborateurs des universités et des ONGS. Voilà l’impasse dans laquelle elle est placée. Le sort d’Albanese illustre la négation des droits et libertés que le soutien officiel aux génocidaires israéliens implique et la résultante de ce soutien: la persécution de ceux qui défendent ces « valeurs occidentales » que sont les droits et libertés.
Un important rapport de la FIDH
Quand les voix dissidentes sont réprimées jusque dans les plus hautes instances internationales, tout est à craindre. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH https://www.fidh.org/fr/) a publié un rapport sur les atteintes aux libertés fondamentales commises dans le cadre de la répression du mouvement de solidarité avec la Palestine. Le document peut être consulté en se rendant sur le lien suivant (https://www.fidh.org/IMG/pdf/fidh_report_on_palestinian_solidarity_under_fire.pdf). C’est une étude fouillée, éclairante et inquiétante.
Samir Saul – Michel Seymour
Samir Saul est docteur d’État en histoire (Paris) et professeur d’histoire à l’Université de Montréal. Son dernier livre est intitulé L’Impérialisme, passé et présent. Un essai (2023). Il est aussi l’auteur de Intérêts économiques français et décolonisation de l’Afrique du Nord (1945-1962) (2016), et de La France et l’Égypte de 1882 à 1914. Intérêts économiques et implications politiques (1997). Il est enfin le codirecteur de Méditerranée, Moyen-Orient : deux siècles de relations internationales (2003). Courriel : samir.saul@umontreal.ca _____________________________________________________________________________________
Michel Seymour est professeur retraité du département de philosophie à l’Université de Montréal, où il a enseigné de 1990 à 2019. Il est l’auteur d’une dizaine de monographies incluant A Liberal Theory of Collective Rights, 2017; La nation pluraliste, ouvrage co-écrit avec Jérôme Gosselin-Tapp et pour lequel les auteurs ont remporté le prix de l’Association canadienne de philosophie; De la tolérance à la reconnaissance, 2008, ouvrage pour lequel il a obtenu le prix Jean-Charles Falardeau de la Fédération canadienne des sciences humaines. Il a également remporté le prix Richard Arès de la revue l’Action nationale pour l’ouvrage intitulé Le pari de la démesure, paru en 2001. Courriel : seymour@videotron.ca site web: michelseymour.org
