C’est un véritable « J’accuse » que publie le British Medical Journal (BMJ) dans un article qui relate la complicité de l’Association médicale mondiale (AMM) et de deux rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur la torture, avec la torture pratiquée par Israël sur les Palestiniens. Torture cautionnée par des médecins israéliens, comme l’a dénoncé à plusieurs reprise le Comité Israélien contre la torture, sans réussir à faire bouger les choses.
Cet article rapporte qu’un appel a été lancé en 2009 par 725 médecins de 43 pays concernant la complicité médicale avec la torture en Israël, qu’il a été étayé par une base d’une preuve volumineuse et toujours croissante provenant d’organisations internationales et régionales de défense des droits de l’homme réputées, citées ci-dessous. Mais au fil des ans et durant les mandats de quatre présidences de l’Association médicale mondiale (AMM) et de deux rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur la torture, le négationnisme et l’impunité ont régné en maîtres absolus.
« Nos conclusions dans le cas d’Israël suggèrent que l’impunité opère largement et que les associations médicales nationales ou d’autres organismes de réglementation fonctionnent comme des boucliers protégeant l’État d’Israël », conclut l’article.
« Un précédent pertinent pour l’AMM concernait l’Association médicale d’Afrique du Sud (MASA), une association membre, qui n’avait pris aucune mesure contre les chirurgiens de la police qui étaient restés les bras croisés lorsque le militant anti-apartheid Steve Biko a été torturé et assassiné en prison en 1977, rappelle le BMJ.
Sous la menace d’une expulsion imminente, la MASA s’était retirée de l’Association Médicale Mondiale, concédant plus tard que cette menace d’expulsion avait été une force de changement dans l’éthique médicale en Afrique du Sud.
Israël est signataire du traité international contre la torture, mais les preuves de l’utilisation systématique de la torture sur les détenus palestiniens s’accumulent depuis longtemps dans le domaine public. En mai 1998, un rapport de Human Rights Watch indiquait qu’Israël « continue d’avoir recours à la torture et à des traitements cruels, inhumains ou dégradants lors des interrogatoires de détenus palestiniens ». L’ampleur de ces violations par Israël est bien connue, ayant été largement documentée par les organes de l’ONU et les organisations internationales, israéliennes et palestiniennes de défense des droits de l’homme.
En novembre 1999, le responsable de l’éthique de l’Association Médicale Israélienne (IMA), Eran Dolev, a été interviewé par une délégation de la Medical Foundation for the Care of Victims of Torture, basée à Londres. Au cours de l’interview, il a déclaré que « quelques doigts cassés » lors de l’interrogatoire des Palestiniens étaient un prix à payer pour obtenir des informations. En 2007, le Comité israélien contre la torture a publié « Ticking Bombs » « Bombes à Retardement », le témoignage détaillé de neuf hommes palestiniens torturés entre 2004 et 2006, brossant un tableau graphique de la façon dont les médecins israéliens faisaient partie intégrante du fonctionnement des unités d’interrogatoire dont la production incluait la torture. Ils ont allégué que des médecins, dont plusieurs ont été nommés, ont vu les prisonniers à divers moments avant, entre ou après des expériences de torture (qui, dans un cas, ont entraîné des lésions de la colonne vertébrale et une invalidité), n’ont pas pris de mesures appropriées, n’ont fait aucune protestation sur ces cas, comme l’exige la Déclaration de Tokyo, et prescrivaient généralement une simple analgésie avant de les renvoyer à leurs interrogateurs.
La British Medical Association (BMA) est membre de l’Association Médicale Mondiale (AMM) et a porté la question à l’attention de la BMA dès 1997. Elle leur demandait de soulever la question auprès de l’AMM, comme ils en avaient le droit. Le même document a été envoyé au secrétaire général de l’AMM de l’époque, Delon Human, en 2001, qui a défendu l’Association Médicale Israélienne en grande partie au motif qu’elle avait ratifié la Déclaration de Tokyo.
En 2005, Edwin Borman, président du Comité international de l’AMM, nous a écrit pour nous dire qu’ils « cherchaient à s’engager de manière constructive avec nos collègues israéliens » et qu’ils ne seraient pas « partisans ».
En préparant un appel international officiel à l’AMM, nous étions conscients que faire campagne sur les questions des droits de l’homme en Israël-Palestine est qualitativement différent du travail des droits de l’homme ailleurs. Les publications jugées critiques à l’égard d’Israël évoquent souvent des attaques au vitriol et ad hominem contre un auteur et un journal médical, sans s’appuyer pour autant sur les preuves citées. Il y a même eu des appels pour que les éditeurs de revues soient sanctionnés ou renvoyés, en réponse à un de nos articles dans le BMJ.
Nous avons eu le soutien public des professeurs Noam Chomsky et Norman Finkelstein aux États-Unis, et du Dr Wendy Orr en Afrique du Sud. Orr avait travaillé comme médecin pour le chirurgien du district de Port Elizabeth dans les années 1980 et avait dénoncé la torture et la complicité des médecins de l’État dans les cas qu’elle avait vus – son devoir éthique en vertu de la Déclaration de Tokyo.
Notre appel a été couvert par le BMJ et divers journaux. Mais le Jewish Chronicle a écrit que l’appel était une « blague », ajoutant : « Vous verrez que beaucoup de noms sont arabes ». L’IMA a lancé une campagne pour recueillir 10 000 signatures pour contrer ces « accusations calomnieuses ». Dans un geste sans précédent en juillet dernier, l’IMA a officiellement annoncé la rupture de tout contact avec l’association des Médecins israéliens pour les droits de l’Homme (PHRI) parce que sa fondatrice, la psychiatre israélienne Ruchama Marton, était l’une des 725 signataires, et parce que les publications de PHRI « confortaient les ennemis d’Israël ».
(Traduit par CAPJPO-EuroPalestine)
CAPJPO-EuroPalestine
*Voir aussi :Dans les camps de concentration, les docteurs de l’horreur – L’Express (lexpress.fr)