Par Oren Ziv
Une lettre du ministère de la Défense aux avocats qui représentent ces six organisations insinue que leur action juridique peut être considérée comme une violation des lois anti-terroristes.
Un représentant officiel du ministère de la Défense a envoyé une lettre à plusieurs avocats représentant les six organisations palestiniennes qui ont été désignées par Israël « organisations terroristes » insinuant que ces actes pourraient être une violation des lois anti-terroristes israéliennes.
Selon la lettre, envoyée le 14 juillet à Michaël Sfard qui représente Al-Haq, à Avigdor Feldman qui représente l’Union des Comités de travailleurs agricoles (UAWC), et à un autre avocat qui représente une des six autres organisations déclarées illégales par le ministre de la Défense, Benny Gantz, en octobre 2021, tous trois peuvent être en situation de violation des lois israéliennes contre le terrorisme pour les honoraires qu’ils reçoivent de ces groupes.
La lettre déclare qu’il avait été demandé aux avocats d’avoir préalablement l’approbation du ministère des Finances pour percevoir des honoraires, de manière à assurer qu’ils seraient en dehors de la législation israélienne anti-terroriste. Bien que cela ne soit pas écrit, la lettre implique que l’acte même de recevoir des honoraires pourrait s’apparenter à un délit en matière de sécurité, passible de graves sanctions en Israël.
La lettre a été envoyée avant le 20 juillet, date à laquelle le comité du ministre de la Défense entendra les appels de Al-Haq et de Defense For Children International-Palestine (DCI-P), deux des six organisations qui tentent de faire tomber leurs accusations. Le conseiller juridique du ministère de la Défense, qui a envoyé les lettres, représentera l’État lors de ces audiences. « Vu les délais et le sens de la lettre », a écrit Sfard dans une réponse au ministère de la Défense, « il est très difficile de ne pas interpréter ce geste comme une menace de la part du gouvernement envers un avocat dont le travail est strictement légal ».
Les avocats disent que non seulement ils ont informé le ministère de la Défense à l’avance qu’ils représenteraient ces groupes, mais que c’est la toute première fois qu’ils reçoivent une telle notification, qu’ils considèrent plus comme une tentative de les menacer. Dans sa lettre, Sfard a déclaré qu’il n’approuve pas la position selon laquelle une approbation préalable est nécessaire pour percevoir des honoraires d’avocats, ajoutant qu’il représente des organisations qui ont été déclarées « organisations terroristes » depuis plus de dix ans et qu’il en a informé le ministère de la Défense à chaque fois.
Presque toutes les organisations palestiniennes des territoires occupés, y compris l’OLP, le Fatah et d’autres, sont réputées « organisations terroristes » par Israël. Sfard a décrit l’absurdité d’une situation dans laquelle le même ministère qui est partie prenante à l’accusation essaie maintenant d’empêcher ces organisations d’avoir une représentation juridique, disant que cette position donne au ministère le pouvoir de « conduire les organisations en question à chercher d’autres représentants, peut-être du type qui « conviendrait mieux à l’État ».
La lettre du ministère de la Défense a été envoyée deux jours avant que neuf pays européens ne déclarent avoir rejeté lette qualification de terrorisisme. Après la déclaration de Gantz, les pays européens bailleurs ont poursuivi leurs propres enquêtes sur les allégations israéliennes.
Près de neuf mois plus tard, largement dû à un rapport d’enquête de +972, Local Call, et de The Intercept, ils ont conclu « qu’aucune information substantielle n’avait été reçue de la part d’Israël qui justifierait de revoir leur politique » envers ces organisations et qu’en conséquence, ils continueraient à financer les groupes et à collaborer avec eux. La décision intervient plusieurs semaines après que l’Union Européenne a pareillement déclaré qu’après avoir considéré les demandes d’Israël, elle continuerait à soutenir Al-Haq.
Adalah, un centre juridique palestinien de Haïfa qui représente trois de ces organisations, Addameer, l’Union des Comités de Femmes Palestiniennes et le Centre Bisan, mais qui n’a pas reçu une lettre, a qualifié celle-ci de « poursuite conséquente de la persécution politique des six organisations palestiniennes et d’une tentative d’intimidation de milliers de Palestiniens et d’Israéliens qui ont exprimé un soutien sans réserve à ces organisations et au peuple palestinien. Cet incident prouve une fois de plus que l’hostilité et ces contraintes du régime israélien ne connaissent pas de limites et que la persécution des organisations de défense des droits humains et de la société civile palestinienne est le fait d’un obscur et dangereux régime que les nations du monde doivent arrêter ».
Mise à jour, 18 juillet : Lundi soir, les trois avocats en question ont envoyé une lettre au conseiller juridique du ministère de la Défense annonçant qu’ils arrêtaient actuellement leur représentation des organisations palestiniennes. N’ayant pas reçu de réponse à sa lettre, Sfard a écrit une autre lettre au ministère de la Défense, au nom des trois avocats, dans laquelle il écrivait : « Nous n’accomplirons pas notre travail sous votre menace que nous commettons de graves infractions à la sécurité, nous ne soumettrons pas non plus notre représentation à votre approbation, ce qui est tout à fait inacceptable».
Oren Ziv est photojournaliste et membre fondateur du collectif photographique Activestills
Traduction SF pour l’Agence Media Palestine
Source : + 972
